La taxe rose

Féministe depuis longtemps, il me semblait que je maîtrisais bon nombre de concepts relatifs au féminisme. Pourtant je tombe un jour sur deux articles dont le contenu m'intrigue, un en anglais sur la "woman tax" et surtout un en français du site "tout à l'ego" de la féministe Sophie Gourion intitulé "Etre une femme coûte 1400$ de plus par an". Les femmes payeraient plus que les hommes pour certains produits et services ? Je suis dubitative. Forte de ce qui n'est alors qu'une supposition, je sors me promener dans mon quartier. En moins de deux heures je repère une dizaine de produits ou services dont les tarifs sont différents selon s'ils s'adressent à une femme ou à un homme. Le désavantage se situant toujours du côté des femmes. Je lance alors, le 7 septembre 2014, un tumblr appelé womantax.

Assez rapidement, ce tumblr suscite un certain intérêt médiatique : les nouvelles news, madmoizelle, cheek magazine, france info, rue 89, cnews, terra femina, terra eco, au féminin etc... Alors que Change soutient une pétition contre des prix genrés appliqués chez Monoprix et que le Parisien décide de faire sa une sur ce sujet, je suis clairement dépassée par les sollicitations et demande au collectif Georgette Sand dont je fais alors partie de m'aider à porter médiatiquement cette injustice. Nous cherchons collectivement comment traduire "woman tax" en français et la georgette Sarah Coupechoux propose alors "taxe rose". C'est sous cette appellation que ce sujet fera un buzz médiatique suite à la Une du Parisien (plus de 180 articles en 3 jours, en France et à l'étranger).




Genrer des produits permet non seulement d'appliquer des tarifs différents en tenant compte du "coût psychologique" que chaque profil de consommateur est prêt à mettre dans un produit (Les femmes, compte tenu de la pression sociétale qui repose sur leur physique vont davantage que les hommes être enclines à dépenser de l'argent pour leur hygiène et leur apparence) mais également empêcher les économies d'échelle et pousser à la surconsommation (plutôt que de garder la trottinette rose achetée initialement pour une petite fille, on va en racheter une bleue pour le petit garçon).

Comment lutter contre la #taxerose ?

  • Arrêter les rayons genrés car ils empêchent de comparer les prix et donc de consommer de manière avisée. L’hyper segmentation du marché permet d’imposer des prix qui n’ont plus rien à voir avec le calcul de marges commerciales mais tout à voir avec des présupposés sur le prix moyen que femmes et hommes sont prêts à débourser pour tel ou tel produit. La pression sur le corps des femmes est tel qu’elles dépensent en moyenne plus d’argent que les hommes pour certains types de produits. Des produits neutres favoriseraient les économies d’échelle et endigueraient aussi la surconsommation.

 

  • Tant que les rayons sont maintenus : préciser le prix de la déclinaison du produit pour l’autre genre au même titre qu’est indiqué le prix au litre ou au kilo et mettre à disposition les produits les moins chers dans les deux rayons.


  • Interdire les tarifs genrés pour tous es services : réfléchir en termes de longueur de cheveux, de durée de travail dans les salons de coiffure, en termes de type de vêtements au pressing et dans les retoucheries, de taille ou type de chaussures chez dans les cordonneries etc... 

 

Habituellement, dans les salons de coiffure, les prix sont catégorisés selon le modèle "Femme - Homme - Enfant". C'est un choix qui pénalise les femmes. D'autres critères pourraient être retenus : expertise de la personne qui coiffe, durée requise pour assurer le travail, longueur des cheveux ou encore complexité du travail à réaliser.

QUELQUES RAPPELS UTILES

En France, les femmes gagnent 27% de moins que les hommes. Elles occupent 82% des emplois à temps partiel. Aujourd'hui encore, la retraite des femmes est inférieure de 42% à celle des hommes (ce qui veut dire que les hommes touchent 72% de plus que les femmes).

Le marketing genré en segmentant le marché entre filles et garçons en plus de véhiculer des stéréotypes et de pousser à la surconsommation, inflige une taxation spécifique aux femmes.

Une étude américaine citée par le magazine Forbes avait établit le préjudice supporté financièrement par les femmes à plus de 1300 dollars par an. Produits d’hygiène, coiffeurs, pressings, retoucheries, la liste n’est pas exhaustive. 

Les femmes, majorité minorisée à maints égards, ne devraient pas avoir à débourser plus que les hommes pour des produits ou des services similaires voire identiques alors qu’elles sont déjà lésées financièrement dans leur salaire et leur retraite.